XVIIIe ARR. Les habitants d'un quartier entendent résoudre leurs problèmes quotidiens en montant un site interne.
Internet utile entre voisins
(Le Figaro, 11/09/2000)
Marie-Estelle Pech

Partie du constat que dans une grande ville, en raison des horaires décalés et de l'individualisme rampant, il est de plus en plus difficile de communiquer avec son voisin de palier, Catherine Terdjan-Stern a créé une association pour y remédier. Son but : retrouver la sociabilité d'un village au sein de trois immeubles, dans le XVIIIe arrondissement, grâce à un réseau informatique interne : "Quelqu'un peut-il arroser mes plantes vertes pendant les vacances ?", "Cette semaine, je suis disponible pour chercher les gamins à l'école" ou encore "Si on se regroupait pour acheter des bouteilles de vin à moindre prix ?"
C'est ainsi que Catherine, Georges, Renaud ou Jean-Michel imaginent le forum de leur futur réseau Internet de voisins. Une première en France. Avec échanges de services mais aussi de savoirs, puisque Emmanuel, professeur d'histoire-géographie, propose de monter des jeux éducatifs ou d'aider ceux qui le souhaitent à préparer leurs examens. Le gardien sera également connecté afin de communiquer avec les locataires. Une vingtaine de locataires se sont regroupés dans cette association, baptisée Moskova.fr, du nom de l'ancien quartier qui a fait les frais de nombreuses opérations immobilières ces dernières années.
Ils sont avocats, comédiens, fonctionnaires territoriaux, journalistes, comptables, graphistes ou informaticiens et ont emménagé il y a deux ans, rue du Poteau, inaugurant trois immeubles flambant neufs aux allures de paquebots, non loin de la porte de Clignancourt. Des couples de trentenaires avec bébés ou jeunes enfants pour la plupart : "Ce n'était pas difficile de nous trouver des points communs. De plus, il n'y avait pas de groupes préformés puisqu'on est tous arrivés en même temps", se souvient Jean-Michel.
Au bout d'un an, en octobre 1999, le gardien, très convivial, a organisé un pot dans la cour commune pour que les locataires fassent connaissance.

L'avantage de cette idée est de créer une sociabilité
de village sans en récolter les inconvénients

Des liens se sont alors tissés : "On a commencé à prendre des apéros les uns chez les autres, puis à dîner ensemble. Puis à se prêter de menus objets ", raconte Catherine, son bébé dans les bras. Une voisine lui a offert les plantes vertes qui égayent son appartement. Une autre lui a offert des vêtements pour sa petite fille de trois mois.
Avec son mari, féru d'informatique, elle s'est dit qu'il serait intéressant d'étendre cette convivialité naissante à l'ensemble des 58 appartements des trois immeubles. L'avantage de cette idée, selon elle, est de créer une sociabilité de village sans en récolter les inconvénients : "Répondra qui veut aux offres ou demandes de services. Personne n'ira sonner toutes les cinq minutes à la sonnette du voisin."
Et puis, pense-t-elle, les gens seront moins timides lorsqu'il s'agira de tapoter sur un clavier, plutôt qu'à une porte. A terme, d'ici deux mois, l'association mettra en réseau les ordinateurs des habitants des trois immeubles. France Télécom et l'Union nationale des fédérations d'organismes HLM ont signé en octobre dernier un accord national destiné à promouvoir l'Intranet résidentiel et l'accès commun à Internet dans les immeubles sociaux. Ils sont donc intéressés par cette expérience pilote et ont promis d'apporter une aide pour la mettre en place.
Une personne sera embauchée lors de la première année de fonctionnement afin d'intaller le réseau, d'en assurer maintenance et de former les habitants.
Catherine voit grand, elle aimerait créer des emplois. "Pourquoi ne pas employer des gens en commun ? Baby-sitter, femme de ménage...
L'association est en train monter des dossiers afin de récolter le budget nécessaire. Une manne qui se fait attendre... "On se donne deux mois, annonce l'association, il faut profiter de la mobilisation des gens de l'immeuble, qui ont quasiment tous répondu positivement au projet." "En tout cas, résume Catherine, cette expérience nous a appris à aller les uns vers les autres."


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