Partie
du constat que dans une grande ville, en raison des horaires décalés
et de l'individualisme rampant, il est de plus en plus difficile de
communiquer avec son voisin de palier, Catherine Terdjan-Stern a créé
une association pour y remédier. Son but : retrouver la sociabilité
d'un village au sein de trois immeubles, dans le XVIIIe arrondissement,
grâce à un réseau informatique interne :
"Quelqu'un peut-il arroser mes plantes vertes pendant les vacances ?",
"Cette semaine, je suis disponible pour chercher les gamins à
l'école" ou encore "Si on se regroupait pour
acheter des bouteilles de vin à moindre prix ?"
C'est ainsi que Catherine, Georges, Renaud ou Jean-Michel imaginent
le forum de leur futur réseau Internet de voisins. Une première
en France. Avec échanges de services mais aussi de savoirs,
puisque Emmanuel, professeur d'histoire-géographie, propose
de monter des jeux éducatifs ou d'aider ceux qui le souhaitent
à préparer leurs examens. Le gardien sera également
connecté afin de communiquer avec les locataires. Une vingtaine
de locataires se sont regroupés dans cette association, baptisée
Moskova.fr, du nom de l'ancien quartier qui a fait les frais de nombreuses
opérations immobilières ces dernières années.
Ils sont avocats, comédiens, fonctionnaires territoriaux, journalistes,
comptables, graphistes ou informaticiens et ont emménagé
il y a deux ans, rue du Poteau, inaugurant trois immeubles flambant
neufs aux allures de paquebots, non loin de la porte de Clignancourt.
Des couples de trentenaires avec bébés ou jeunes enfants
pour la plupart : "Ce n'était pas difficile de nous
trouver des points communs. De plus, il n'y avait pas de groupes préformés
puisqu'on est tous arrivés en même temps", se
souvient Jean-Michel.
Au bout d'un an, en octobre 1999, le gardien, très convivial,
a organisé un pot dans la cour commune pour que les locataires
fassent connaissance.
L'avantage de cette idée est
de créer une sociabilité
de village sans en récolter les inconvénients
Des
liens se sont alors tissés : "On a commencé
à prendre des apéros les uns chez les autres, puis à
dîner ensemble. Puis à se prêter de menus objets
", raconte Catherine, son bébé dans les bras.
Une voisine lui a offert les plantes vertes qui égayent son
appartement. Une autre lui a offert des vêtements pour sa petite
fille de trois mois.
Avec son mari, féru d'informatique, elle s'est dit qu'il serait
intéressant d'étendre cette convivialité naissante
à l'ensemble des 58 appartements des trois immeubles. L'avantage
de cette idée, selon elle, est de créer une sociabilité
de village sans en récolter les inconvénients : "Répondra
qui veut aux offres ou demandes de services. Personne n'ira sonner
toutes les cinq minutes à la sonnette du voisin."
Et puis, pense-t-elle, les gens seront moins timides lorsqu'il s'agira
de tapoter sur un clavier, plutôt qu'à une porte. A terme,
d'ici deux mois, l'association mettra en réseau les ordinateurs
des habitants des trois immeubles. France Télécom et
l'Union nationale des fédérations d'organismes HLM ont
signé en octobre dernier un accord national destiné
à promouvoir l'Intranet résidentiel et l'accès
commun à Internet dans les immeubles sociaux. Ils sont donc
intéressés par cette expérience pilote et ont
promis d'apporter une aide pour la mettre en place.
Une personne sera embauchée lors de la première année
de fonctionnement afin d'intaller le réseau, d'en assurer maintenance
et de former les habitants.
Catherine voit grand, elle aimerait créer des emplois. "Pourquoi
ne pas employer des gens en commun ? Baby-sitter, femme de ménage...
L'association est en train monter des dossiers afin de récolter
le budget nécessaire. Une manne qui se fait attendre...
"On se donne deux mois, annonce l'association, il faut profiter
de la mobilisation des gens de l'immeuble, qui ont quasiment tous
répondu positivement au projet." "En tout cas,
résume Catherine, cette expérience nous a appris
à aller les uns vers les autres."